Interview JMD base Valgrisenche.Vallée d’Aoste Italie

 Heliski ; à tenter au moins une fois dans sa vie ! 

En Alaska, dans les Rocheuses, en Himalaya ou tout simplement dans les alpes, il n’existe pas de plus fantastique moyen d’accéder au nirvana de la glisse. Se faire déposer par un hélicoptère au sommet d’une montagne de neige vierge est le rêve de tout freerider !
Texte et photos Jean-François Vibert

Interview d’un pionnier de l’héliski : Jean-Marc Duriaux fut l’un des pionniers français de l’héliski. Guide, inventeur du stop-ski et pilote d’hélico.

 JFV : Depuis combien de temps pratiques-tu l’héliski ?

 JMD : La première fois c’était il y a une vingtaine d’années. Des sensations, on en a eu tout de suite. Se retrouver seul en montagne sans remontées dans une neige de rêve c’était unique… Je me souviendrais aussi toujours de ce jour où il était tombé un mètre de neige très légère. C’était comme au Canada : de la poudre sans fond, une sensation qui n’a pas de prix lorsqu’on y a goûté.

 JFV : Quel modèle d’hélico utilise-tu ?
 JMD : Le Lama qui transporte quatre passagers et un pilote. C’est l’arme absolue en montagne car il est puissant et maniable. L’Ecureuil est plus silencieux et il y a une place de plus. En Russie, ils ont des MI8 MTB de 4500 ch qui peuvent porter 20 personnes, j’en ai piloté un… Aux Canada, ils utilisent des Bell 212, les hélicoptères de la guerre du Vietnam qui prennent 11 skieurs plus 2 guides et le pilotes.

 JFV : Que faisais-tu avant l’héliski ?
 JMD : J’ai inventé les premiers stop-ski (stop-ski Lacadur, un brevet mondial), j’ai aussi organisé des stages de ski et en 81, j’ai lancé des stages télémark. Mais c’était bien trop tôt, ça n’a pas marché.

 JFV : Qui sont tes clients ?
 JMD : C’est vraiment très varié, on a beaucoup de snowboarders, c’est une clientèle particulièrement intéressée par l’héliski et qui augmente très vite. J’ai eu aussi, Michel Rocard, le Roi Carl Gustav de Suède, Alain Prost, et d’autres pilotes de F1 et championd du monde moto, Cyril Neveux, Janie Longo, le président de Mercedes, le prince de Bavière, Amberto Agneli le président de Fiat et quelques autres…

 JFV : L’héliski est-ce dangereux ?
 JMD : Ce n’est pas dangereux, si on travail avec rigueur et professionalisme en collaborant avec des guides qui connaissent très bien leur secteur et de bons pilotes. On attache les skis par paquets avec les bâtons pour éviter que les gens ne les lèvent dans les pales. On répète aussi qu’il ne faut pas s’éloigner de l’hélico car si l’endroit n’est pas plat tu montes sans t’en rendre compte près des pales du rotor . Aux USA, un type s’était fait scalper comme ça. Mais tout ça c’était au début. Aujourd’hui ce genre d’accident est devenu impossible.

 JFV : Existe-t-il une raison valable pour interdire l’hélico ?
 JMD : Les arguments invoqués par les anti-hélico ne sont pas sérieux car l’hélicoptère travaille très souvent en montagne et tout le monde apprécie ses qualités irremplaçables. Il ravitaille les refuges et participe aux secours en montagne et non négligeable il permet un entraînement des pilotes en condition réelle. L’héliski pourrait être une véritable activité économique dans certaines vallées où il n’y a rien. Évidemment il faut que ce soit géré sérieusement. Et je suis sûr que les animaux ne sont pas dérangés, les chamois et les bouquetins restent dans notre vallée, pourtant juste à côté il y a un parc national où ils sont bien nourris.

 JFV : Et la pollution ?
 JMD : On fait en moyenne 120 h. de vol par an, pendant ce temps il y a 5000 camions qui passent dans la Vallée d’Aoste tous les jours, c’est sans rapport ! Il ne faut pas que les amoureux de la nature soient effrayés, car l’héliski ne sera jamais une industrie. Avec un peu de tolérance de part et d’autre le monde alpin irait bien mieux. Par exemple quand nous voyons des randonneurs à ski nous changeons de secteur pour ne pas les gêner.

 

« On va se poser dans une minute ! Surtout, ne sautez pas de l’hélico immédiatement.  Ses paroles sont couvertes par le vrombissement du moteur, mais nous avons tous en tête les consignes de sécurité répétées à plusieurs reprises avant le décollage. Malgré le vent qui balaie la crête et soulève une bourrasque de poudreuse, le pilote réussit l’exploit de se poser en douceur. Skieurs et matériels sont débarqués en quelques secondes et l’engin allégé de sa charge s’arrache à nouveau pour replonger vers la vallée. Soudain le silence est total : nous voilà complètement isolés à près de 3800 m d’altitude, les pieds enfoncés dans 80 cm d’une poudreuse idéale. La sensation est irréelle, le vide impressionnant, le ciel démesuré.   Nous avons la montagne pour nous tout seul. Inutile de préciser que sans l’hélico, il aurait fallu crapahuter une bonne dizaine d’heures en peaux de phoques pour accéder à cette altitude et profiter de cette qualité de neige. Petit briefing du guide ; « laissez moi partir devant, ne vous éloignez pas trop du milieu de la combe et n’oubliez pas que nous sommes sur un glacier ». Vérification rapide du bon fonctionnement de nos ARVA (dispositif d’Aide à la Recherche de Victimes d’Avalanches) qui est fourni par le guide, et c’est parti pour la descente. En hurlant d’excitation, les snowboarders plongent dans la pente un peu en désordre. Ces gars-là doivent être des habitués car ils commencent d’entrée de jeux par désobéire aux consignes du guide. Équipés de longues planches de freeride et de bottes souples, ils sont vraiment les « kings » dans cette neige profonde. Au tour des skieurs ; ils enchaînent des courbes bien régulières à un rythme beaucoup plus raisonnable, un peu comme s’ils avaient choisi de déguster chaque mètre de dénivelé. Il faut dire qu’à ce prix-là, autant apprécier ! Pour l’occasion, tous ont chaussé des skis larges spécifiquement conçus pour le hors-pistes qui rendent le freeride presque accessible aux débutants.   A cette altitude, la neige est parfaitement poudreuse. La première partie de la descente se fait sur le flanc d’immenses pentes vierges bordées de séracs. Des conditions qu’il est impossible de trouver couramment en station. La haute montagne requière un équipement adéquat, nous avons donc troqué nos lunettes de soleil pour des masques protecteurs plus adaptés à la neige pulvérulente, et nos sacs à dos contiennent des vêtements polaires, quelques barres énergétiques en cas de coup de pompe, de l’eau, de l’Aspirine et quelques équipements de survie. Au fur et à mesure que nous perdons de l’altitude, nous croisons de petits sapins entre lesquels nous nous amusons à slalomer. Enfin, la descente se termine en foret et c’est au fond d’un vallon isolé que nous retrouvons l’hélico, dont les patins sont entièrement enfoncés dans la neige. Il est temps de s’hydrater, d’avaler un morceau, de se réchauffer au soleil et de fêter cette première ! Une demi-heure de pause, puis nous regrimpons dans l’engin. La turbine commence à siffler et nous décollons en direction d’un nouveau sommet.   Jouez à saute-frontière ! Évidemment, tout cela se passe obligatoirement du côté italien de la chaîne alpine, car la dépose est interdite en France depuis 1980. A l’époque, c’est Valéry Giscard d’Estaing (pourtant grand amateur d’héliski) qui en a décidé ainsi, espérant récupérer quelques voix écologistes. La légende prétend que non seulement il ne récupéra pas ces voix, mais en plus il se fit pincer en pleine action : quelqu’un l’a photographié en pleine dépose sur le Buet avec un hélico de la gendarmerie. Ce qui fit désordre et montre bien le côté démagogique de la décision. Depuis, on doit donc jouer à saute-frontière à partir de La Rozière, ou carrément passer le Tunnel du Mont-Blanc pour se rendre à Valgrisenche. En Italie, l’héliski est bien toléré car sérieusement réglementé. Idem en Suisse et en Autriche ou certaines zones lui sont réservées. Les moniteurs et les guides l’utilisent en complément des remontées mécaniques pour leurs stages hors-piste. L’héliski ne doit pas être considéré comme une activité courante, mais plutôt comme une sorte de cadeau de Noël. L’idéal étant de s’offrir une ou deux journées dans l’hiver quand les conditions sont favorables. Si vous n’habitez pas trop loin, payez-vous le luxe de réserver votre dépose la veille pour le lendemain après avoir vérifié le bulletin météo montagne.  


 Truc de pro :  » Mon petit secret pour une journée d’héliski réussi en snowboard, c’est de reculer mes fixations de deux ou trois centimètres par rapport à leur position habituelle. Moins de fatigue sur la jambe arrière, moins de chutes la truffe dans la peuf. Et des courbes plus appuyées pour en mettre plein la vue aux copains ! « 

 

 

 

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