Le monde du cigars
Fabrique de cigares Zemis
MARDI, 21 JANVIER 2003
Étonnant, n’est ce pas la démonstration de la bienveillante compréhension de ce peuple, que soit toléré, que deux étrangers possèdent et dirigent sur le territoire national une entreprise qui véhicule un tel symbole.
Deux frères, deux jumeaux qui ont acheté en 1995 à Tamboril, une petite fabrique de taille familiale d’une cinquantaine de personnes en République Dominicaine.
Après avoir tout deux, obtenus un masters de philosophie allemande à la Sorbonne leurs chemins s’orientent vers des voies différentes, Damien choisi l’archéologie et Sylvain l’anthropologie. Un va vers l’ Est sur les traces des premières civilisations, l’autre à l’ Ouest pour s’imprégner des cultures d’ Amérique Centrale et d’ Amérique du sud.
Ces pérégrinations sont passées par la République Dominicaine.
Republìca Dominicana – la terre du cigare
Devant le Musée de l’Homme, à Santo Domingo, un groupe de statues illustre, en un raccourci fulgurant, les grandes étapes de l’histoire Dominicaine. Les Tainos, avec Enriquillo, le dernier Cacique Taino à avoir combattu, jusqu’en 1533, les Espagnols dans les montagnes de Bahoruco. Le peuple noir avec Lemba, l’esclave Africain, emblème de la révolte des noirs en 1522 qui aboutira en 1804 à la création de la République d’Haïti. Bartolomé de las Casas, symbole de la puissance des Espagnols, mais aussi des fautes commises, qui deviendra le défenseur des Tainos, après avoir écouté, le jour de Noël, un sermon de Fray Montesino.
Lorsqu’il aborde l’île de Quisqueya le 5 décembre 1492, Christophe Colomb se serait écrié : « la plus belle côte que l’oeil de l’homme ait jamais pu contempler! » Il rencontre aussi une race indienne inconnue, les Tainos (bon ou noble en langue arawak) qui habitaient là depuis le 8ème siècle av JC. Il nomme l’île Hispaniola : elle deviendra plus tard Saint-Domingue avec l’arrivée des Français et prendra le nom de République Dominicaine lors de son indépendance en 1844. Très vite, la couronne royale Espagnole y installe son Gouvernement en y construisant la première ville, la première cathédrale, la première Université, le premier couvent et le premier hôpital. L’histoire de l’île est un kaléidoscope d’images où défilent des esclaves, des indiens, des pirates, des galions et des trésors.
Première ville du Nouveau Monde, première destination touristique des Caraïbes, devant Cuba, la République Dominicaine est aussi le premier cultivateur de tabac premium et le premier fabricant de cigares au monde. Située dans la vallée magique du Cibao, fondée par 30 chevaliers en rupture avec la couronne royale espagnole, Santiago de los Caballeros, deuxième ville et capitale industrielle du pays, est également la capitale mondiale du cigare.
La culture Taino
Les indiens peuplaient plusieurs îles des Caraïbes, comme Cubanacan (Cuba), Borinquen (Puerto Rico), et Guanacacibe (Jamaïque), mais c’est à Saint-Domingue (Quiesqueya) que l’expression de leur art de leur culture fut le plus riche. Ils possédaient un haut niveau de développement et étaient politiquement et religieusement très organisés, avec un ensemble de croyances magico-religieuses, de coutumes et de rites particuliers ainsi qu’une vision du monde fondée sur leur propre cosmologie. Les chefs possédaient plusieurs marques de prestige dont un sceptre (certains en forme de cigare) et un siège incrusté d’or et d’os. Leurs divinités, les Zemis, représentent les Dieux et les Ancêtres qui peuplent la mythologie des Tainos.
En l’espace de 50 ans, toute cette culture et la population entière furent éliminées par l’arrivée des conquistadors. Les cigares Zemis constituent l’unique tentative réussie de renouer un des rares produits qui a perduré jusqu’à aujourd’hui, le cigare, avec l’histoire ancestrale des indiens Tainos.
Des Espagnols à la République
Le début de la colonisation consista principalement à faire payer des tributs en nature ou en travail aux populations autochtones, soit dans l’agriculture soit dans les mines d’or. Ces mauvais traitements exterminèrent les indiens et leur nombre diminua dangeureusement, ce qui poussa les Espagnols à ramener des hommes des Bahamas et des îles du Honduras. Mais rien n’y fit : les indiens disparaissent en même temps que les mines d’or s’épuisent. Dès 1520, la conquête prend un goût amer plein de sang et de fureur. Entre-temps, la culture de la canne à sucre fut introduite, mais même la population espagnole se mit à décroître, allant chercher fortune au Mexique et au Pérou. Les pirates et flibustiers français en profitèrent pour envahir l’île et fondèrent une colonie avec des plantations où travaillaient des esclaves africains. Jusqu’au 20ème siècle, l’histoire de Saint-Domingue fut très mouvementée, passant de la domination française à la domination espagnole, jusqu’à la première proclamation de l’état indépendant de la République Dominicaine en 1844 par Juan Pablo Duarte. Celle-ci sera définitivement établie en 1863. Entre 1914 et 1926, on vit même une occupation des troupes nord-américaines, qui se reproduisit en 1965 pour bloquer (échaudés par l’exemple de Cuba) l’arrivée au pouvoir des communistes. Ils resteront jusqu’en 1966, lorsque Joaquim Balaguer remporte les élections.
L’économie aujourd’hui
Une des principales sources de revenus de la République Dominicaine est le tourisme avec plus de 4 millions de touristes par an. Il a pris un essor fulgurant ces dernières années. Il génère emplois et rapportent des devises étrangères au pays. Les zones franches sont également très rentables et se trouvent un peu partout dans le pays. Les « remesas » rapportent également gros. Ces envois d’argent des Dominicains expatriés aux USA ou en Europe permettent de soutenir des familles entières sans travail et donnent également la possibilité d’un retour au pays en ayant une vie confortable.
La culture ancestrale de la canne à sucre n’est plus aussi importante, mais elle reste essentielle à l’économie de l’île. Bien sûr, la culture du tabac et du café constituent des éléments importants de l’économie dominicaine. Durant le boom américain, entre 1996 et 2000, le tabac représenta même la deuxième ressource du pays, derrière les « remesas », mais parfois devant le tourisme.
Le cigare dominicain
Ce qui frappe en visitant une fabrique dominicaine, c’est l’organisation et l’efficacité qui y règnent. Dans les grandes tabacaleras, installées dans les zones franches, ou dans celles des grandes marques comme Arturo Fuente ou Davidoff, on est en face d’une véritable organisation du travail, bien loin de la sympathique désinvolture que l’on trouve à Cuba. La production est planifiée, les tâches de chacun sont précises et immuables et les objectifs sont tenus. Une politique qui est en train de faire ses preuves. Tout au long de la journée l’activité est incessante. Les feuilles de tripe et de sous-cape arrivent d’un côté, les feuilles de cape étant préparées, classées par taille, chromatisme et degré de qualité (grado) de l’autre côté. Dans la mise au point de chaque cigare deux personnages sont essentiels : l’empunero chargé de composer la poupée (tripe et sous-cape) et le pegador chargé de poser la cape et de terminer le cigare. Ce couple (pareja) va travailler en collaboration étroite pendant toute la construction de la vitole. A Cuba, le torcedor effectue seul le travail de ce couple. Dans les fabriques, chaque département a son importance : celui de la préparation du tabac, de la fabrication des cigares et de son contrôle, de sa présentation (bagues, mise en boîte, sceaux…) et, enfin de la garde dans des chambres en cèdre.
Le module, ou format, est l’ensemble des caractéristiques extérieures d’un cigare comprenant forme, cape, longueur, diamètre et poids. Les reglas déterminent une mesure pour 25 cigares d’un même type et si la tolérance autorisée est dépassée, chaque cigare sera mesuré au cepo (crible). Même principe pour le poids, si celui-ci est supérieur ou inférieur à la moyenne cela signifie que les cigares sont trop ou pas assez chargés en tabac, ou que le diamètre n’a pas été exactement respecté. L’association de la forme et de la cape sont représentatives d’une marque ou d’une vitole.
Les caractéristiques internes sont l’ensemble des sous-parties du cigare et le tabac utilisé dont dépendant la combustion et le goût. Le mélange des feuilles de la tripa peut être constitué de 2, 3 ou 4 feuilles différentes qui va former la liga, adaptée à la forme et au diamètre dont va découler la densité et la bonne combustion du cigare.
C’est l’empunero qui est chargé de ce travail, alors que le pegador pose la cape. Sa texture, ses qualités de combustion, son élasticité, sa résistance et son goût sont essentiels. Elle est la partie la plus fragile et délicate et elle provient d’origines très diverses : Indonésie (Java, Sumatra, Vesucci), Connecticut USA, Connecticut Ecuador, Cameroun, Cuba, Brésil (Arapiraca), Mexique et Saint-Domingue.
Les cigares appartiennent à deux catégories différentes. Les parejos ont un corps de forme régulière et leur diamètre est constant de la tête au pied. Les figurados ont des formes originales avec la tête différente du pied, à l’exception des culebras. La définition des modules est de plus en plus complexe par l’amplitude de la terminologie utilisée. Chaque marque détermine ses propres dimensions, ce qui rend la reconnaissance plus difficile. En général, les vitoles possèdent trois tailles : corona grande, corona et pequena, sachant que le corona existe en double corona.
Le tabac est toujours utilisé en fonction de sa qualité de combustion. Ainsi le Piloto Cubano ligero sera au centre de la tripe, car sa combustion est moins rapide que le seco. Par ailleurs un petit diamètre, de 22 à 28 mm, sera composé uniquement de seco pour éviter de le rallumer à chaque instant. La régularité et la forme sphérique sont données par les boncheras, des machines mécanico-manuelles et par des moules en bois ou en plastique. Cette technique de la pression des moules permet, au moment de la pose, d’obtenir une cape parfaitement étendue et étirée sur le corps du cigare, et où n’apparaît aucune aspérité interne. La tripe est en accordéon, ce qui permet à la fumée de bien circuler, la sous-cape doit être hermétique et la cape bien étirée en trois tours. Il faut également bien préparer le tabac de tripe qui est toujours sec, alors que la sous-cape doit être humidifiée sans rester mouillée, ce qui donnerait des taches sur la cape et laisserait ressortir les défauts de la tripe et les siens propres.
Si nous avons vu, dans le dossier précédent, que le tabac bien procédé donne le fond et le goût du cigare, tout ce que nous venons de voir donne la beauté et la perfection de la forme qui fait la renommée des cigares dominicains.
De la culture des plants de tabac jusqu’à l’élaboration d’un cigare de qualité pratiquement deux ans et demie se sont passés.
Cibao, la vallée magique
Par tradition, la République Dominicaine a toujours produit beaucoup de tabacs majoritairement destinés à la consommation courante. La République Dominicaine se contentait de produire du tabac en quantité quasi industrielle sans se soucier outre mesure de la qualité. Le volume primait sur tout le reste et les feuilles partaient vers des destinations diverses pour confectionner des produits sans grand intérêt. Aujourd’hui, la situation est à la fois plus claire et plus complexe. On cultive deux grands types de tabac en République Dominicaine : des blonds (rubio), comme le Burley et le Virginia destinés à la fabrication des cigarettes et des noirs (negro), comme l’Amarillo Parado (criollo), le Piloto Cubano et l’Olor Dominicano. La majorité du nom des semences provient des noms des cultivateurs qui les affectionnaient particulièrement. Ainsi, pour l’Olor Dominicano : Julio Vasquez, David Mendez et Chago Diaz (le type le plus ancien pour l’Olor, un équivalent du Corojo cubain). Le piloto Cubano fut introduit en 1962, à partir de semences cubaines. Ces variétés interviennent dans la confection de la liga, pour la tripe et la sous-cape, qui suivant les pourcentages utilisés détermineront la puissance ou la suavité du cigare. Le Secrétariat à l’Agriculture et l’Instituto del Tabaco ont beaucoup travaillé pour redorer le blason du tabac dominicain en déterminant des zones de cultures à l’intérieur même de la vallée du Cibao pour les cigares premium : La canela, Tamboril, Villa Gonzalez. Ces terroirs sont déterminés par l’emplacement géographique, le sol et le climat les plus propices aux tabacs d’excellente qualité. Les dernières décennies ont vu naître une volonté de qualité, des structures artisanales et un travail rigoureux sur le tabac issu de la vallée du Cibao. La venue de Davidoff consacre l’excellence du terroir dominicain.
Les grandes fabriques
La grande majorité sont situées dans la vallée du Cibao, autour de Villa Gonzalez et de Tamboril. Même si la production était marginale, la tradition de rouler des cigares est fort ancienne (avant 1875). La Aurora de Santiago fabrique des cigares depuis 1903 et Carbonnel depuis 1909. Une des fabriques les plus importantes est La Aurora, à la sortie de Santiago, qui fabrique Leon Jimenes à cape Connecticut et la Aurora à cape Cameroun madura. Carbonnel se trouve à Palmar Abajo et fabrique Flor de Carbonnel.
Le premier des grands monstres est la Tabacalera de Garcia, à la Romana. Elle appartenait à la compagnie américaine Consolidated Cigar avant d’être rachetée par Altadis (ex Seita, Monopole d’Etat espagnol, Consolidated Cigar, Havanos SA). Aujourd’hui, c’est une des plus importantes fabriques du monde, sinon la plus grande, que possède le géant Altadis et qui fabrique une myriade de marques, la plupart héritées du porte-feuille de Consolidated Cigar : Don Diego, Pléiades, Cruzeros, Santa Damiana, Henry Clay, Montecruz, Onyx, Dunhill, Laura Chavin, Vega Fina et des marques évocateurs sous d’autres cieux comme Por Larranaga, H. Upmann, Montecristo etc… destinées au marché américain. Il est toujours bon de rappeler que des marques comme Hoyo de Monterrey, Montecristo, Bolivar et d’autres fleurant bon Cuba ne viennent actuellement nullement de Cuba. Au moment de la révolution, ces marques historiques ont été rachetées à leurs propriétaires, qui parfois ont été explusés de Cuba, avec droit d’exploitation du nom. Quant à Cohiba, il joue sur le fait que les marques cubaines ne sont pas reconnues par le traité de Madrid. Même fabriquées à base de plants cubains, Piloto Cubano, elle n’ont rien à voir avec les équivalents cubains. Malgré cela, les firmes américaines les distribuent en toute légalité sur le territoire américain et ailleurs, sauf en France où leur importation est interdite.
General Cigar est situé dans la zone franche de Santiago et fabrique Macanudo, une des marques les plus vendus aux USA, le Cohiba dominicain ainsi que Punch et la série Excalibur de Hoyo de Monterrey, Canaria d’Oro et la Gloria Cubana d’Ernesto Perez Carillo, El General, jadis fabriquée à Miami. Pas loin de là, Arturo Fuente fabrique ses propres cigares dont le célèbre, et rare, Opus X à cape dominicaine cultivée près de Bonao. Il fabrique également Ashton, Cuesta Rey, Château Fuente, Hemingway, Bauza et Sosa… Dans la zone franche de Palmajero, près de Villa Gonzales, on trouve la Cidav Corporation qui fabrique les cigares Davidoff et OK Cigars Corporation qui produit Zino, Avo Uvezian, Griffin’s et Private Stock.
A la Cienaga, à la sortie de Santiago, se trouve la fabrique de Juan Clemente d’où sortent les fameux cigares à bagues rouges épousant la forme de sa signature ainsi que d’autres marques pour ses importateurs. Restons avec les français, et citons la fabrique Cuevas y Hermanos qui produit les cigares Credo et la fabrique de Sylvain Bischoff qui fabrique les cigares Zemis au packaging taino et aux boîtes pyramidales en cèdre, Las Mariposas et Colores. Une multitude d’autres petites tabacaleras existent sur le sol dominicain, et il est impossible d’être exhaustif en la matière.
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Comments
Vissiobre
mai 08, 2013
I liked your site http://www.imagesport.org. Offtopic: Where better to go for a vacation this summer?
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admin
mai 08, 2013
Tank for your comment. Not easy to avise, it depends on what you like, climate, activity, sea, mountains, sports and especially which continent.
Argent en Ligne
juillet 13, 2013
Cette lecture m a semble trop courte, merci beaucoup pour ce regale passe a vous lire.
admin
juillet 15, 2013
Merci pour votre commentaire sympa. D’autres sujets sur http://www.imagesport.org/blog et http://www.imagesport.org
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